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Recherche-Action, genre et développement

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Auteur : Hélène Fromont

Une combinatoire pour le changementPortrait of waving business people

Des démarches territorialisées en France et au Sénégal traduisent le passage d’une formation-action à une formation par la recherche-action et d’une approche spécifique femmes à une approche de genre. Pour les analyser dans cette contribution, nous prenons appui sur une expérience hétérogène, faite de pratiques locales, régionales ou internationales, de vie associative et de formation des adultes au Collège coopératif de Paris ou à l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Ces derniers ont, en partenariat avec le réseau ASTER-International, accompagné des groupes d’adultes en formation dans une optique croisant le genre et le développement local, pour le Collège coopératif dans une construction de parcours CIL, Certificat d’Initiative locale, pouvant conduire au DHEPS, Diplôme des hautes études en pratiques sociales.
Un détour autobiographique rappelle le croisement de l’histoire personnelle avec des pratiques collectives. Une clarification conceptuelle précède une présentation de plusieurs expériences, en prenant appui sur divers documents (comptes-rendus, évaluations, capitalisations, articles) :

  • formation de femmes par la formation-action (Picardie) ;
  • formation de femmes par la recherche-action (Picardie) ;
  • parcours d’un groupe mixte par la recherche-action dans un croisement VAE (Validation des acquis de l’expérience) genre, et territoire (Bourgogne) ;
  • expérience sénégalaise à deux volets : la formation d’un groupe mixte avec une option GED (Genre et Développement) et la création d’une Maison des femmes.

À partir de ces rappels, nous analysons le passage d’une formation-action à une formation par la recherche-action et celui d’une approche femmes à celle du genre. L’approche de genre et la méthode de recherche-action sont toutes deux globales et transversales, elles rompent avec les analyses classiques. Nous examinons comment, quand elles se croisent, l’effet de « rupture » se renforce. Elles convergent alors pour :

  • créer des conditions de changement social ;
  • renouveler les pratiques de développement ;
  • identifier de nouvelles pratiques organisationnelles ;
  • amorcer un passage de la pensée simple et linéaire à des caractères de pensée complexe.

Une pratique ancrée dans une histoire personnelle

Formée autant par les mouvements d’éducation populaire que par l’université, je suis convaincue que l’utopie peut se pratiquer par l’engagement pour un changement social visant plus d’égalité et de justice sociale.

Pour être née et avoir vécu à la frontière belge, j’ai connu les échanges transfrontaliers, puis coordonné plusieurs rencontres de jeunes en Allemagne, démarches logiques de proximité géographique, de « réconciliation » pour les jeunes de ma génération et première prise de conscience d’Européenne.
Je n’ai jamais oublié les combats de mon grand-père quand, en 36, les femmes venaient ravitailler les hommes occupant l’usine du Nord industriel. J’ai été, dès le lycée, membre de comités antifascistes au moment de la guerre d’Algérie dont la libération me préoccupait au moins autant l’année 61-62 que l’examen de propédeutique. La suite s’inscrit dans la fidélité à des idées, syndicalisme et vie associative ont été une constante aussi importante que la vie professionnelle et la vie familiale.
Les années 90 ont été marquées par trois moments clés : rencontre du Collège coopératif et de l’œuvre d’Henri Desroche, retour à l’université, création d’ASTER (Actrices Sociales des Territoires Européens Ruraux) comme organisme de formation croisant le développement territorial et l’égalité femmes/hommes et comme réseau international[1].
Cette rencontre de la recherche-action aurait pu me permettre, s’il l’avait fallu, de sortir d’une schizophrénie, que par chance, mes engagements et l’enseignement de la philosophie dans un lycée expérimental (groupes de travail autonome, projets d’action éducative, réalisations de vidéos) m’ont évitée. Je faisais alors de la recherche-action sans la nommer, soit avec les élèves, soit aussi avec des associations (Groupe femmes, Centre socioculturel, Festival de cinéma européen, Centre d’information des droits des femmes…). Après l’école du « voir, juger, agir » des mouvements de jeunes, je retrouvais, de manière systématisée et scientifiquement élaborée, les étapes qui vont de l’observation, à l’analyse, puis à un retour à l’action pour la revisiter, l’améliorer et mettre en œuvre du changement.
La recherche conduite dans le cadre du doctorat s’inscrit dans la continuité d’un engagement, le « retour aux études » répond à un besoin d’analyser par la recherche-action, des pratiques de groupes de femmes avec qui, dans le cadre d’échanges européens et internationaux, j’avais construit des partenariats.
J’ai alors retenu de manière inductive, des expériences à partir de rencontres croisées et renouvelées et élaboré le concept de « féminisme territorial ». J’ai fait mienne cette formule de Danielle Lafontaine (1981, pp. 119-138), chercheure québécoise : « Il y a un sens à s’interroger sur les conditions de production d’une recherche engagée, mais néanmoins rigoureuse et construite ». Il ne s’agit pas de privilégier l’engagement par rapport à la recherche, mais de voir plutôt en quoi l’engagement peut porter une démarche critique, faisant office de rupture épistémologique à l’égard du réel social. L’engagement n’est pas forcément incompatible avec la recherche, mais peut, au contraire, la stimuler, en sachant que « notre activité de connaissance apparaîtra toujours suspecte à ceux que nos interrogations sur l’ordre des choses dérangeront ».
Dans le contexte de mutations sociétales, de mondialisation économique et de crise financière, le concept de développement livre de plus en plus ses limites et ses effets pervers. L’approche de genre et la recherche-action, si elles sont articulées à une vision philosophique et politique, convergent sur plusieurs points et peuvent susciter de nouvelles pratiques et d’autres conceptions du développement.

Recherche-action et approche de genre, pour un autre développement

Le concept onusien de développement est trop souvent réduit au progrès et à la croissance, il impose alors un modèle uniformisant renforcé dans le contexte de mondialisation et suscitant en réaction des replis identitaires parfois violents. Il contribue à exclure des groupes sociétaux, des régions, des pays, voire des continents (Semblat, 1997).
Edgar Morin (1984, p. 449) constate les échecs du développement et « le développement de la crise du développement », il traite de « mal développement », et identifie le développement au service d’un « modèle d’humanité masculin, adulte, bourgeois, blanc » aboutissant à une vision « humanistique/rationalistique, unidimensionnel et pauvre de l’homme et qui repose sur une idée mécanistique/économistique étonnamment bornée de la société ». Il souligne le rôle joué par les minorités d’exclus, alors que « des ferments juvéniles, féminins, multiethniques, multiraciaux sont en œuvre »..D’autres, remettent en cause la logique même du développement, et traitent de post-développement, d’après-développement ou d’anti-développement (Bergeron, 1992).
Si des spécialistes constatent les échecs du développement, les acteurs de terrain cherchent, eux, depuis plusieurs décennies des solutions et c’est ainsi que des qualificatifs ont été ajoutés au terme « développement », après « développement local », il s’est agi de « développement social » puis de « développement durable ». Le premier adjectif fait appel à l’exclusion territoriale, le second à celle de catégories sociales, le troisième envisage la globalité des dimensions sociale, culturelle, environnementale et économique d’un développement qui préserve l’avenir de la planète et des générations futures.
Face aux limites et aux effets pervers du développement, l’appel à la mobilisation de toutes les ressources, notamment celles des femmes, conduit à s’interroger sur les questions relatives à l’égalité des femmes et des hommes. C’est ainsi que le concept de genre va être de plus en plus mis de l’avant mais il est difficilement appréhendé dans sa traduction française à partir du gender anglais, suscitant encore dans le monde francophone et plus spécialement en France des résistances, incompréhensions et blocages. Le genre « a d’abord été pensé en anglais par opposition au sexe : le genre serait au sexe ce que la culture est à la nature » (Fassin, 2009, p. 29), introduit par la sociologue britannique Anne Oakley, officiellement reconnu après la Conférence mondiale des femmes de Beijing en 1995, maintenant intégré dans les politiques publiques, les programmes de coopération internationale, les agences onusiennes… C’est pour les chercheures féministes, une façon condensée de nommer les « rapports sociaux de sexe », rapports inégalitaires qui ne peuvent être modifiés par la seule approche spécifique des « femmes », souvent perçues comme des bénéficiaires et non comme actrices de leur vie, approchées seulement dans leurs rôles reproductifs et non dans la complexité de leurs rôles familiaux, économiques, sociaux et politiques. Le genre vise donc, non seulement les femmes, mais les rapports des femmes et des hommes, il s’oppose à une approche essentialiste, celle d’une nature féminine ou masculine donnée, il reconnaît l’importance des constructions identitaires par la culture, l’éducation, et donc les possibles déconstructions et reconstructions.
Nous avons à plusieurs reprises, que ce soit dans des formations, séminaires ou publications fait rappel des origines du concept, de sa portée et de ses limites (Semblat, 2008 et 2009). Nous avons surtout montré que le genre est un concept, l’approche de genre est une méthode et qu’il est paradoxal d’en attendre des changements, si on ne les articule pas à une vision et un projet politique, sinon, le genre peut rester tout à fait politiquement correct et devenir « un avantage certain sur le plan de la bienséance, du moralisme conservateur des hommes politiques » (Bisilliat, 2003). Pour que l’approche de genre soit productrice de changement, elle ne doit pas se surajouter comme un appendice, mais doit être intégrée à la fois dans les organisations les programmes, les formations, les institutions …
Le concept d’empowerment est indissociable de celui de genre : « Concept forgé par DAWN (Development Alternatives with Women for a New Era), inspiré de la théorie de l’oppression et de la “pédagogie des opprimés” de Paolo Freire, il avait toute la force du concept d’émancipation. Il est devenu souvent synonyme d’autonomie, les pouvoirs sociaux et économiques n’étant plus alors questionnés».[2]
Si l’approche de genre peut être un outil de changement, la recherche-action vise aussi à améliorer, voire changer une situation de départ insatisfaisante pour ceux et celles qui la vivent, une situation qui fait problème, « la recherche-action reconnaît que le problème naît d’un groupe en crise dans un contexte précis » (Barbier, 1996, p.35) et qu’il est le mieux à même, s’il est accompagné, d’identifier, d’analyser et de changer.
Le changement est un concept majeur de la recherche-action partagé par Henri Desroche, André Morin, René Barbier, Hugues Dionne … « La recherche-action vise au changement d’attitudes, de pratiques, de situations, de conditions, de produits, de discours… » (Barbier, 1996, p. 75 en référence à Ardoino). Pour André Morin le « changement » est l’un des cinq concepts majeurs de la recherche-action intégrale au même titre que : « contrat », « participation », « discours » et « action » (Morin André, 1992).
Pas de recherche-action sans participation collective qui fait que chacun est partie prenante « vraiment concerné personnellement par l’expérience » et « actant » (Barbier, 1996, p. 48), elle est alors émancipatoire « le groupe de praticiens se responsabilise en s’auto-organisant… par rapport aux habitudes institutionnelles, bureaucratiques de coercition » (Barbier, 1996, p. 39). La recherche-action devient une « science de la praxis », praxis comme « … un processus de transformation du monde par l’homme engagé et dont il est un des éléments associés » (Barbier, 1996, p. 39).
Enfin, la recherche-action nous fait entrer dans le champ de la complexité, « pas de recherche-action sans une juste appréciation de la complexité du réel » pour René Barbier qui nous invite à « entrer dans une pensée complexe » et qui fait de la complexité une « notion-carrefour » à laquelle il accorde une large place (1996, pp. 59-65).
Nous partageons cette importance majeure de l’approche complexe pour avoir analysé les pratiques des groupes de femmes à la lumière des trois principes de la complexité d’Edgar Morin (dialogie, récursion organisationnelle et principe hologrammatique) pour qui la complexité est un macro concept, mais n’a pas encore le statut de nouveau paradigme. Cette référence à la complexité s’applique également à l’approche de genre pour sa transversalité, même si elle est difficilement appréhendée de la sorte et trop souvent réduite, comme la recherche-action d’ailleurs, à un « simple avatar méthodologique » (Barbier, 1996, p.7).
Pour l’analyse des expériences, nous retiendrons donc les concepts majeurs largement partagés à la fois par la recherche-action et par l’approche de genre, ceux de changement, participation, émancipation, transversalité et complexité.
La formation, une composante des « pratiques primordiales » de groupes de femmes
Nous avons identifié dans le contexte de mondialisation et de crise du développement, de nouveaux groupes de femmes en milieu rural. Leurs pratiques qualifiées de « primordiales » traduisent l’émergence d’une expression renouvelée du féminisme nommé « féminisme territorial » (Semblat, 1997), expression forgée au regard de l’appellation « syndicalisme territorial » utilisée par Félix Guattari décrivant les réalités syndicales territoriales au Chili (Guattari 1992).
Des formations territorialisées ont été identifiées, centrées sur le projet, elles prennent en compte le développement personnel et celui du territoire, innovantes, elles sont toujours expérimentales, car adaptées aux réalités locales (Semblat, 1997).
C’est ainsi qu’une « Formation des femmes du monde rural à la vie associative », a été impulsée en 1988 dans le département de l’Aisne dans une forte dynamique partenariale, en parallèle et sans en avoir respectivement connaissance, une formation assez semblable se déroulait en Bretagne et s’adressait aussi à des publics féminins en milieu rural.
En Ille-et-Vilaine comme dans l’Aisne, les savoir-faire des femmes et leurs compétences ont été valorisés au travers de services de proximité, d’associations, d’événements culturels et de festivals…, sans oublier les trajectoires personnelles d’engagements politiques ou associatifs et de retour à l’emploi, ou aux études (Semblat, 2002).
Les formations-actions rappelées ici ne sont pas des formations professionnelles centrées sur « l’acquisition de contenus »[3], « c’est le projet choisi, l’action qui vont déterminer les contenus et le rythme des apports ». Mais en dépit de leurs résultats, elles ne sont pas sans présenter des obstacles et limites identifiés dans notre contribution à l’ouvrage dirigé par Pierre-Marie Mesnier et Philippe Missotte (Semblat, 2003, pp. 229-241) : diversité des intervenants, orientation psychologisante, tendance à former des bénéficiaires plutôt que des actrices de développement. Certes, il ne s’agit pas de privilégier les apports didactiques, mais, à la différence de la recherche-action, les pratiques sociales ne semblent pas questionnées.
Trois initiatives de formation par la recherche-action, en Picardie, en Bourgogne et au Sénégal, avec en Casamance, la création simultanée d’une Maison des femmes vont se construire autour d’un opérateur local : Centre social en Picardie, Foyer rural en Bourgogne, ONG au Sénégal, en partenariat avec ASTER-International.
Les trois formations ont abouti à un Certificat d’Initiative locale (CIL) à partir d’un parcours formalisé par le Collège coopératif (300 h dont 200 de formation collective et 100 de travail personnel). Il se déroule in situ dans une approche territoriale en croisant une démarche individuelle et la dimension collective, chacun et chacune conduisant un projet présenté au travers d’une monographie en vue de l’obtention du Certificat d’Initiative Locale.

De la formation-action à la formation par la recherche-action

Les femmes «actrices de développement en milieu rural »

Après l’initiative picarde de formation-action, c’est une formation d’ « actrices de développement en milieu rural » par la recherche-action qui a été conduite de 1999 à 2001 toujours avec des femmes rurales de l’Aisne. Si elle s’est adressée à des femmes, elle s’inscrit pourtant bien dans une approche de genre, partant du constat fait par le centre social TAC-TIC, de la faible part des femmes dans les instances locales, qu’il s’agisse des conseils municipaux ou des conseils d’administration des associations.
Quinze femmes de Thiérache, zone de bocage, ont participé à la formation alternant des journées thématiques et des ateliers coopératifs de construction de leurs projets (surtout tournés vers le tourisme et la valorisation du patrimoine), objets de rédactions monographiques (Semblat, 2003).
Connaissance de soi, affirmation et découverte de leurs potentialités ont été articulés avec la valorisation du territoire, les stagiaires se percevant clairement comme des « actrices » ou des « animatrices » de développement local. Par la « mise en écriture », « les stagiaires reconnaissent avoir gagné en rapidité, créativité, en capacité de raisonner, d’ordonner les idées avant d’agir, de programmer les activités de leur vie quotidienne » (Semblat, 2003, p.235).
L’initiative a fait l’objet d’une capitalisation et modélisation (ASTER, 2001) valorisant le croisement de la pédagogie de l’action et de la formation par la recherche-action. La pédagogie de l’action a d’abord été identifiée comme une des caractéristiques des « pratiques primordiales » de nouveaux des groupes femmes en milieu rural (Semblat, 1997 et 2003). Elle a été intégrée ensuite à l’approche d’ASTER, elle « prend en compte la réalité du contexte, la complexité qui, en intégrant les rétroactions et interactions, s’oppose à une conception linéaire et fragmentée pour reconnaître la valeur des relations polycausales et des paradoxes » (Semblat, 2001). À partir de la formation des « actrices de développement », la pédagogie de l’action a été caractérisée de manière plus opérationnelle autour de quatre concepts : groupes, territoires, projets, reconnaissance croisant la recherche-action centrée quant à elle autour de: maïeutique, coopération, inter et validation.
Le croisement de la méthodologie de recherche-action et de la pédagogie de l’action a permis de surmonter certaines limites rencontrées par les premières expériences et a transformé les actrices de développement en « actantes » pour féminiser l’expression créée par René Barbier (Semblat, 2002 et 2003), à la fois « actrice-sujet », mais aussi « actrice-citoyenne (Semblat 1999, 358-392)», auteures de projets ayant accédé à l’empowerment individuel et collectif.
Il s’agit bien pour ces femmes rurales d’une réelle émancipation, d’une triple mise en mobilité à la fois spatiale (passage de l’espace privé à l’espace public), sociale et mentale. Plusieurs se sont engagées localement et ont créé en 2002, leur propre structure « Femmes et projets » pour l’information et la formation des femmes de leur canton rural.
La formation par la recherche-action pour les actrices de développement en milieu rural met en exergue trois des concepts identifiés à la fois pour la recherche-action et pour l’approche de genre, ceux de changement, de participation et d’émancipation, visant une transformation des rapports sociaux de sexe dans une mobilisation pour le développement territorial.

VAE et approche de genre en milieu rural

L’expérience menée par l’Université rurale du Clunisois (URC) en 2003-2004 s’oriente différemment en s’adressant tout d’abord à un groupe mixte et en intégrant le genre dans son intitulé. L’Université rurale pilotée par le FRGS (Foyer Rural du Grand Secteur Clunisois) forme alors depuis 10 ans, des acteurs et actrices de développement local et cherche une validation de leurs acquis, le Certificat d’Initiative Locale apparaît comme tout à fait adapté.
La formation co-construite, ici encore dans une approche territoriale et par la pédagogie de l’action, a croisé trois axes :

  • territoire et développement local porté par l’opérateur local,
  • approche de genre par ASTER,
  • validation des acquis par le Collège coopératif.

Comme pour le groupe de femmes, la recherche-action est privilégiée, les adultes en formation sont accompagnés dans des ateliers coopératifs, ils produisent une monographie, pour l’obtention du CIL avec ici, la création d’une option « développement rural ».
Le passage d’un groupe de femmes à un groupe mixte est une nouvelle composante, un séminaire sur le genre a été planifié et la problématique prise en compte dans plusieurs monographies. Mais la mixité ne suffit pas à elle seule pour traduire l’approche de genre, ni non plus l’ajout, d’un séminaire supplémentaire sur le genre, pour engager de véritables dynamiques de changement. L’approche de genre, doit chercher à s’intégrer dans une démarche globale incluant à la fois conception du projet, mobilisation des partenaires institutionnels, groupe de pilotage, parcours de formation.
De contenus de séminaire, le genre doit pouvoir devenir un fil rouge qui traverse de bout en bout les préoccupations des porteurs de projet et de leurs partenaires, tout autant que celles des intervenants-es (ASTER, 2005). C’est donc un ensemble de personnes qui sont à sensibiliser à la question du genre, à informer des enjeux, à accompagner et former.
Cette expérience a joué un rôle majeur pour éclairer sur les conditions d’intégration effective et durable de l’approche de genre dans la construction des projets et dans les structures, elle a contribué à enrichir l’expérience sénégalaise alors en construction.

Vers une approche intégrée « Genre et développement » au Sénégal

Le projet « Passerelles. Formation-Expérimentation. Pour une pédagogie de l’international au service du développement local et de l’approche de genre » co-construit par ASTER et l’ONG sénégalaise OFAD/Nafoore a voulu concilier une approche intégrée du genre dans le cadre d’une formation qualifiante et diplômante avec une approche spécifique pour les femmes par la création d’une Maison des femmes. La recherche-action concerne les deux volets, à la fois la formation et l’élaboration, puis l’animation d’une Maison des femmes et c’est l’approche Genre et Développement (GED) qui a été privilégiée. Cette expérience croise donc à la fois la recherche-action, le genre et le développement. Outre, de nouveau, l’expression de la participation, du changement et de l’émancipation, une fois encore la transversalité et la complexité résultent de la combinaison des trois composantes, recherche-action, genre et développement.

Le nom du projet Passerelles[4] traduit l’articulation d’objectifs croisés, de décloisonnement des publics et de coopérations Nord/Sud. Il cherche d’emblée à :

  • Renforcer conjointement les compétences des acteurs locaux en France et au Sénégal en matière de formulation et conduite de projets ;
  • Contribuer au changement social et à la lutte contre la pauvreté par le biais de l’émancipation, la participation citoyenne et l’accès à une plus grande autonomie (notamment financière) des femmes de la région de Kolda, l’appui à la création d’un lieu ressource/maison des femmes rurales ;
  • Contribuer, au développement de liens et à des coopérations, des formations adaptées validant les acquis dans la continuité des actions déjà réalisées entre les partenaires [5].

Partenariat ASTER et OFAD/NAFOORE

OFAD/NAFOORE, membre d’ASTER depuis 1997, partage avec les membres du réseau une vision du développement qui privilégie l’autonomie des populations, la démocratie participative, l’amélioration des conditions de vie des populations et enfin le renforcement de la solidarité internationale[6]. Les échanges, sont placés sous le signe de la réciprocité, dans l’optique de la « pédagogie de l’international au service du développement local intégrant le genre » mise en œuvre par le réseau.
L’ONG est implantée dans le village de Bagadadji (500 habitants, région de Kolda) qui, malgré un fort potentiel, est d’après le document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP), l’une des plus pauvres du Sénégal : 53 % des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté. À la précarité des conditions de vie des populations, le taux élevé d’analphabétisme (72%), la malnutrition, s’ajoutent la mauvaise gestion des ressources naturelles, l’inexistence de structures de formation adaptées, l’éloignement et le manque de structures de santé, ainsi que la faible organisation des acteurs sociaux. La crise casamançaise a affecté une partie de la région, elle se traduit par l’abandon des champs cultivés par peur de mines et par le départ massif des jeunes.
Depuis 1997, l’ONG locale travaille à l’autonomisation des populations par l’éducation et la formation, au développement des initiatives créatrices de revenus, à partir d’outils endogènes de financement, à l’amélioration des conditions d’accès aux soins de santé (groupes d’alphabétisation, création de 20 écoles communautaires de base, microcrédit, lutte contre les mutilations génitales…).
Le projet est parti d’un double constat, celui de la nécessité de professionnaliser et qualifier les agents des ONG locales et celui de la situation des femmes de la zone qui demeurent les plus vulnérables, car souvent victimes des pesanteurs socioculturelles et des politiques de développement inadaptées. Si elles sont souvent organisées en groupements, elles n’interviennent pas pour autant dans la prise de décision et accèdent difficilement aux droits les plus primordiaux : santé, éducation, économie[7].
Passerelles prend en compte la complexité des enjeux des divers acteurs locaux en visant à la fois les femmes, les professionnels-elles des ONG, leurs partenaires et l’ensemble des acteurs locaux. Le séminaire international de lancement en novembre 2005 a traduit cette complexité, en rassemblant à la fois les 30 femmes-relais de la Maison des femmes, 33 stagiaires en formation (hommes et femmes, agents-es des ONG locales) et une délégation de 17 membres d’ASTER venus d’Europe et du Québec, sans oublier des groupements féminins de Gambie et Guinée Bissau[8].
À partir de là, et durant un peu plus de trois ans, les deux volets du projet ont été accompagnés, pour la formation par ASTER et le Collège coopératif (en partenariat avec Paris 3), pour la Maison des femmes, par ASTER, les ateliers de recherche-action réunissant régulièrement le groupe CIL et les femmes-relais de la Maison des femmes.

Formation intégrant le genre

Une formation des agent-es des ONG locales de la région de Kolda au Certificat d’Initiative Locale, option « genre et développement » en a conduit quelques uns-es, au DHEPS /Master 1 de l’université Paris 3, Sorbonne-Nouvelle. Les questions d’égalité femmes-hommes intégrées de manière transversale dans les séminaires thématiques ont été animés par des intervenants-es sénégalais de Dakar ou Kolda, qu’il s’agisse d’éducation, santé, alphabétisation, développement rural ou mutations sociétales… Des séminaires méthodologiques et des ateliers de recherche-action animés in situ ont conduit le groupe, appuyé par des tuteurs locaux, à des productions monographiques (pour 29 sur 33) puis, pour 8 sur 11 retenus pour le DHEPS/ master 1, à des mémoires de recherche)[9], liés directement aux pratiques professionnelles : lutte contre les mutilations génitales, écoles communautaires de base, écoles déplacées en raison du conflit en Casamance, gestion de l’eau…
Une évaluation, à mi-parcours[10], a traduit la pertinence du projet par rapport aux besoins locaux. La formation a permis à des personnes disposant d’une expérience de terrain de la voir reconnue et valorisée. Elle répond ainsi à une attente des acteurs de développement et leur offre la possibilité d’une évolution professionnelle et l’accès à des postes à plus haute responsabilité[11]. En effet, leurs compétences en matière de conduite de projet ont été renforcées, grâce à une meilleure analyse des situations, une plus grande aisance à l’écrit ainsi qu’une meilleure connaissance du territoire et de ses enjeux. Les stagiaires reconnaissent avoir acquis de nouvelles méthodes de travail. Ils disent maîtriser le concept du développement et les différents de types de développement, être outillés pour comprendre leur rôle d’agent de développement. La prise en compte de l’approche genre a encouragé des changements dans les attitudes professionnelles et personnelles : « Je ne considère plus la femme comme cette personne qui [devait seulement s’occuper] de l’éducation des enfants ou des travaux ménagers, mais comme partenaire et actrice du développement durable » (témoignage d’un dhepsien).

Maison des femmes

Un atelier d’analyse des pratiques en octobre 2003 a, parmi à 90 responsables de groupements féminins, identifié 30 femmes leaders, devenues femmes-relais de la Maison des Femmes de Bagadadji. Le projet a été construit par des sessions de réflexion-action animées par la coordinatrice du projet Passerelles, les activités sont passées de la satisfaction des besoins pratiques aux intérêts stratégiques, une approche majeure du genre[12]. La réflexion-action reste fidèle aux exigences de changement, de participation et d’émancipation de la recherche-action, mais avec moins d’exigences de scientificité :
« La réflexion action, par exemple, ne requiert pas de passer par une phase d’élaboration d’hypothèses. Plus empirique, elle demeure toutefois assez rigoureuse pour permettre de creuser les questions abordées par le groupe. Elle suppose, elle aussi, un accompagnement méthodologique, ne saurait se satisfaire d’un objet vague, mais bien au contraire impose que l’objet soit clairement défini, (sens et limites), elle introduit une prise de recul sans pour autant avoir la lourdeur d’une recherche. L’une ou l’autre des deux procédures (lesquelles s’actualisent dans le cadre d’ateliers partenariaux de recherche ou de réflexion-action) sont susceptibles de déboucher sur des propositions concrètes d’action, comme les animateurs ont pu en faire l’expérience à de multiples reprises en d’autres lieux »[13].
Le groupe est composé de femmes d’un dynamisme d’exception, mais dont un faible nombre est alphabétisé. Les séances se font en pulaar ou mandingue : « les femmes doivent valider le rapport si nous voulons que ce soit réellement un processus participatif. Dans la mesure où une grande majorité des femmes ne sont pas alphabétisées, il est important d’utiliser l’oralité »[14].
ASTER-International a accompagné l’équipe d’animation de la Maison des femmes de décembre 2005 à avril 2009 en formalisant et en mettant à jour régulièrement le plan d’action puis en espaçant de plus en plus les missions. La responsable de la Maison des femmes, Coumba Pam Koïta, a reçu ensuite l’appui des animatrices de l’ONG au sein de laquelle la Maison des femmes a trouvé sa juste place[15].
La Maison des femmes complètement intégrée dans le tissu social de la communauté rurale de Bagadadji touche, par le biais des femmes-relais, 30 villages sénégalais, deux villages gambiens et un de Guinée-Bissau, soit un total de plus de 1 300 femmes. Elle propose un lieu d’échange, d’information, de formation, de sensibilisation, d’innovation, d’appui et d’accompagnement des projets… Les femmes-relais qui prennent part aux activités ont la responsabilité de les démultiplier vers la population de leur village, d’organiser des formations dans les groupements villageois, et d’assurer un rôle d’observatoire des conditions de vie au village[16]. Par là-même, elles contribuent à la continuité d’un processus de changement et de développement.
Si les premières activités des regroupements mensuels sont centrées sur des activités traditionnelles, des AGR (Activités Génératrices de Revenus) et sur des informations dans les domaines prioritaires des femmes, ceux de leurs rôles reproductifs (santé de la famille et éducation), la Maison des femmes s’est acheminée progressivement vers des missions plus stratégiques et les pratiques organisationnelles des femmes se sont structurées. Les activités, traditionnelles au départ (teinture, savonnerie, coiffure, couture), évoluent vers une diversification des activités.
Pour la première fois, la journée internationale des femmes, habituellement organisée par les associations et fédérations de groupements de Kolda, capitale régionale a été initiée le 8 mars 2007 par la Maison des femmes. Les femmes rurales de la zone ont organisé l’événement, elles ont préparé un cahier de doléances remis au sous-préfet de Dabo à l’issue d’une marche à laquelle élèves et professeurs du collège local s’étaient joints. Cette initiative [17] a joué un effet de rupture et constitué un tournant vers une plus grande reconnaissance des femmes-relais par leurs pairs, elle a également été l’expression de l’empowerment des femmes, passées d’activités essentiellement basées sur la satisfaction des besoins pratiques à des réflexions sur la place et le droit des femmes.
Avec l’appui de l’AIF, Agence Internationale de la Francophonie, des activités davantage centrées sur la réalisation des intérêts stratégiques ont démarré : formation au leadership, atelier sur les violences faites aux femmes, séances d’information sur les droits. Autonomisation, prise de parole et participation des femmes rurales aux décisions se sont traduits lors des élections municipales de mars 2009 où plusieurs femmes-relais ont été élues dans les conseils ruraux.
La Maison des Femmes a favorisé une plus grande solidarité entre les femmes. Les violences contre les femmes ont diminué, notamment parce qu’elles connaissent leurs droits. L’éducation des enfants est devenue une priorité depuis que les femmes-relais ont fait comprendre que la scolarisation était indispensable. Les parents battent moins leurs enfants depuis qu’ils savent qu’ils ont, eux aussi, des droits.
Les femmes-relais disent partager un très fort sentiment d’appartenance à la Maison des Femmes renforcé par une reconnaissance extérieure, elles se trouvent respectées par les femmes de leurs villages et ont acquis la confiance des autorités locales. Elles s’expriment plus qu’avant et leur parole est prise en compte, « les femmes sont devenues ouvertes et curieuses. […] Une femme qui n’a pas fait les bancs[18] te donne des idées comme si elle avait été à l’université » (Imam d’un village). L’excision, pratique taboue, est devenue objet d’information et de discussion, grâce aux actions de sensibilisations des femmes-relais renforçant le rôle des animatrices de l’ONG. Sur le plan économique, grâce aux activités de la Maison des Femmes, les femmes peuvent participer aux revenus du ménage et la pauvreté recule.
Passerelles, un projet innovant
Le projet et ses deux volets ont favorisé une approche Genre et développement (GED) qui facilite la satisfaction des besoins (santé reproductive, alphabétisation, microcrédits, microprojets, environnement) en vue d’une lutte contre la pauvreté, d’un équilibre entre les rôles masculins et féminins, et la réalisation à long terme d’un développement durable de la microrégion.
Recherche-action ou réflexion-action ont croisé l’approche de genre pour répondre aux besoins spécifiques des femmes dans une dimension globale et intégrée articulant le genre et le développement. Celle-ci répond aux doubles enjeux de l’approche GED, enjeux économiques en mobilisant toutes les ressources et les compétences au service du développement et enjeux démocratiques de justice et d’égalité.

Le « féminisme territorial »

Le « féminisme territorial » identifié à partir d’expériences européennes et canadiennes, traduit et exprime les « pratiques primordiales » (de première importance), de nouveaux groupes de femmes en Europe et au Canada francophone (Semblat, 1997). Ces derniers, nés au début des années 90, ne sont ni des groupes professionnels, ni des syndicats, mais des groupes territorialisés, les femmes s’organisant collectivement dans une relation volontaire à l’espace.
L’ensemble des groupes, en dépit de variables propres à chacun des pays, expriment des préoccupations liées à la fois à l’émancipation des femmes et au développement du territoire. Lutter contre le vide, faire vivre le pays, créer un ensemble communautaire avec plus d’égalité, mais aussi élever le niveau de « l’intellectualité » du village, autant d’objectifs prioritaires de groupes. Ceux-ci facilitent une mise en mobilité des femmes qui s’engagent dans l’espace public,
Les caractères majeurs des pratiques des groupes s’appliquent aux structures créées par la recherche-action et présentées ici : l’association Femmes et projets en Picardie et la Maison des femmes au Sénégal. On peut notamment retenir :

  • une « pédagogie de l’action » et l’auto-développement des groupes, initiés par les femmes elles-mêmes, dans une dynamique de projet ;
  • une double identité croisant l’autonomisation des femmes et le développement du territoire[19] ;
  • une vision multidimensionnelle du développement qui se traduit par l’inscription territoriale des projets, leur construction dans la durée et la dynamique de réseau ;
  • des articulations paradoxales : entre tradition et modernité, local et international, patrimonial et innovant.

Le « féminisme territorial » permet de renouveler le féminisme comme démarche, production de pratiques, production de discours et concepts. Il est un concept opératoire car il permet de :

  • surmonter les ambiguïtés actuelles du féminisme : entre intégration et rupture, égalité et différence, idéologique et pragmatique, action et théorie ;
  • se montrer capable de rendre compte de phénomènes nouveaux non expliqués par les concepts existants ;
  • offrir une réponse aux institutionnalisations du mouvement et une possible façon de lutter contre la vague d’antiféminisme et le risque de backlash.

En croisant les dynamiques des femmes et celles des territoires on entre dans le champ de ce que le GRIDEQ (Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l’Est du Québec) au Québec considère comme « métadisciplinaire » car en effet :
« Au-delà des théories et des concepts spécifiques auxquels les sociologues, les géographes, les historiens, les économistes, les politologues, les psychologues et les psychanalystes ont généralement recours pour analyser certaines réalités humaines sociales ou territoriales il y a des réalités humaines sociales et territorialisées dont le processus de structuration demeure toujours énigmatique en dépit des efforts disciplinaires visant à en comprendre des aspects » [20].

Une dimension éminemment politique

Les expériences de formations territorialisées ici rappelées visent toutes le développement par la formation-action et par la recherche-action.
L’approche de genre et la recherche-action présentent des points de convergences. Toutes deux sont des approches globales et égalitaires qui questionnent des modèles reçus, ont des visées de changement, accordent la priorité au vécu, à l’identification des problèmes par les groupes eux-mêmes et aux démarches participatives. Pratiques émancipatoires, approche transversale, et complexité sont également des caractères partagés qui contribuent à renouveler les pratiques de développement.
Le passage d’une formation-action à une formation par la recherche-action permet de constater l’émergence de l’inter qui vient complexifier les formes de médiations. Celles ci se traduisent par des croisements et des articulations multiples à tous niveaux : passerelles entre personnes et institutions, entre partenaires et financeurs, entre les projets qui se connectent, entre le territoire et ses acteurs et actrices. Des articulations paradoxales se structurent ainsi, elles traduisent le passage du règne de la pensée simple et linéaire à la pensée complexe, globale et multidimensionnelle.
Mobilisation, conscientisation, organisation (Dumas, Séguier, 1999, p. 175) scandent la démarche territorialisée du développement local. De nouvelles formes d’organisation collective et de pratiques groupales se font jour nécessitant des lieux de réflexion et de médiation, des lieux intermédiaires de débats.
C’est en partenariat avec le Collège coopératif et l’université Paris 3 qu’ASTER et ses membres ou partenaires ont conduit les formations par la recherche-action avec des groupes de femmes d’abord puis, des groupes mixtes en France et au Sénégal. Le CIL pour tous et toutes, le DHEPS pour quelques uns-es ont marqué l’aboutissement réussi des parcours. Le partenariat construit entre le réseau ASTER, ses membres sur le terrain, le Collège coopératif et l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle a permis de créer une option « développement rural » (CIL de Bourgogne) et une option « genre et développement » (CIL sénégalais).
De plus en sollicité, ASTER accompagne des groupes et des structures par la réflexion-action ou par la recherche-action, pour mener un diagnostic participatif territorial intégrant le genre comme au Maroc avec le réseau local RADEV (Réseau d’appui au développement local), (ASTER/RADEV, 2007), prochainement transféré en Picardie comme en RDC, pour produire des outils (ASTER, 2008) ou encore actualiser le projet politique par l’accompagnement de structures. De la même façon ASTER a sollicité en 2009-2010, son propre accompagnement par des Ateliers coopératifs de recherche-action pour actualiser le projet politique et la stratégie du réseau
La recherche-action conduit à des productions collectives de savoir, faisant des acteurs des actants-es, elle facilite ainsi l’empowerment individuel et collectif. En intégrant le questionnement et le changement des rapports sociaux de sexe, une pédagogie du genre est alors en construction, elle est comme la recherche-action, école d’émancipation, elle questionne la réalité sociale :
« Travailler avec le concept de genre est porteur de critique sociale. Les chercheuses et chercheurs, les responsables de projets et les organisations de base travaillant avec cette perspective de genre, en collaboration, s’inscrivent dans un projet de transformation sociale » (Verschuur Christine, Reysoo Fenneke, 2003).
L’approche de genre devenue une pédagogie du genre est alors éminemment politique, tout autant que la recherche-action qui est « toujours un questionnement politique au sens étymologique d’une organisation de la cité » (Barbier, 1996, p. 75).
Les démarches participatives de la recherche action et l’approche globale et intégrée du genre sont ainsi des outils de changement qui peuvent conduire à un renouvellement de visions et de pratiques du développement.

BIBLIOGRAPHIE

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ASTER, Validation des acquis, Approche de genre en milieu rural, recherche sur la démarche de formation conduisant au CIL (Certificat d’Initiative locale), option développement rural, ASTER, Collège coopératif de Paris, Université Rurale du Clunisois, Saint-Quentin, octobre 2005.
ASTER, Le diagnostic participatif territorial intégrant le genre, Programme d’appui au développement local dans la province de Larache (PADEL), ASTER et RADEV (réseau des associations de développement de la province de Larache au Maroc) avec la collaboration d’Adéquations, décembre 2007.
ASTER, Genre, territoires et développement/Insertion, emploi, égalité professionnelle. Une recherche-action en Picardie. Une brochure et une mallette pédagogique. Une offre de formation et d’accompagnement, ASTER en collaboration avec Adéquations, Août 2008, 60 pages.
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VERSCCHUUR Christine, REYSOO Fenneke, Introduction au n° 4, Cahiers Genre et développement, Genre, Pouvoirs et justice sociale, IUED-EFI, Genève et L’Harmattan, Paris, 2003.
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Marie-Lise Semblat
Docteure en géographie sociale
Collège coopératif (1993-2008)
Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, master (2003-2009)
Présidente ASTER-International
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[1] ASTER-International est à la fois laboratoire d’expérimentation sociale, observatoire des pratiques et réseau, qui met en œuvre une «pédagogie de l’action» et une « pédagogie de l’international au service du développement local ». La première privilégie le territoire, le groupe, le projet. La seconde est fondée sur la réciprocité, le partage des expériences, les coopérations interterritoriales. Dans une optique de changement social, ASTER développe des spécificités : « Femmes – Territoire – Développement local – Genre et développement – Réseau – International ».
ASTER se veut un lieu d’échange de pratiques, d’expériences et de compétences, de circulation des personnes et des idées, mais également d’actions, de réflexion et d’analyse. Le réseau réunit des membres et partenaires de différents continents : Afrique (Burkina Faso, Maroc, RDC, Sénégal), Amérique (Canada), Europe.
Modes d’intervention : ingénierie de formation, recherche-action, accompagnement et suivi de projets territorialisés, séminaires internationaux, réalisations de guides pédagogiques, études et recherches.
[2] Marie-Lise Semblat, Fiche atelier, Colloque « Genre et développement », organisé par CRDTM, Lille, 30-31 mars 2007.
[3] En Lignes, n° 7, octobre 1998.
[4] Passerelles Formation-Expérimentation. Pour une pédagogie de l’international au service du développement local et de l’approche de genre, dossier élaboré conjointement par ASTER-International et OFAD/NAFOORE dès 2001.
[5] Extraits du dossier Passerelles, 2002.
[6] Protocole d’accord signé en 1999 par les deux structures.
[7] A partir du dossier Passerelles, 2002.
[8] Des plénières ont réuni le grand groupe autour de thèmes comme les « mutations sociétales » au Sénégal, « le développement rural », « l’approche GED », « la coopération internationale », interventions traduites en pulaar et mandingue. Des activités adaptées aux différents groupes (groupes de recherche pour les stagiaires CIL, ateliers pour les femmes-relais et visites de terrain pour les partenaires d’autres pays) faisaient en fin de journée l’objet de restitutions en plénière toujours traduites dans les langues concernées.
[9] Sur onze incrits-es à l’université Paris 3, huit ont soutenu in situ dans les locaux d’OFAD/NAFOORE en février 2009 devant un jury présidé par Pierre-Marie Mesnier.
[10] Réalisée par Miléna Zarev dans le cadre de son stage de master, sciences Po, Bordeaux, 2007.
[11] L’un d’entre eux est devenu président de la communauté rurale et député, un autre président du Crédit mutuel du Sénégal, une animatrice fait maintenant partie de l’équipe des cadres de l’ONG, responsable des formations.
[12] Qui distingue la satisfaction des besoins élémentaires et les enjeux de renforcement de pouvoir, d’accès à l’autonomie à l’empowerment.
[13] Commune de Fontaine, DSU, groupe de travail Egalité hommes/femmes, Compte-rendu de la réunion du 24 mars 2005 animée par ASTER : Quelles suites possibles au travail conduit en équipe depuis un an ?
[14] Extrait du Compte-rendu de mission du 25 mai 2006 de Jocelyne Gendrin, cheffe de projet, ASTER-International.
[15] La gestion de cette maison est sous la responsabilité de Coumba Pam Koïta, avec le soutien d’OFAD qui a souhaité renforcer le rôle de la Maison des femmes dans son projet associatif, un nouveau service a été créé concernant les microcrédits pour permettre aux femmes de se lancer dans des activités économiques.
[16] Extrait des bilans de missions.
[17] 100 femmes ont marché de Bagadadji jusqu’à la sous-préfecture de Dabo, précédées par les élèves du collège aux cris de : « Non aux mariages forcés. Non aux mutilations génitales. Non aux violences faites aux femmes ». Les hommes qui exerçaient des responsabilités dans la zone les ont soutenues en se joignant au groupe (président de la communauté villageoise, directeur de l’école primaire, principal du collège de Bagadadji, chef de village).
[18] Ce qui signifie qu’elle n’est pas allée à l’école.
[19] « Les groupes irlandais disent vouloir sortir de l’isolement, se réunir, s’informer, créer un ensemble communautaire avec plus d’égalité, mais aussi trouver place dans la communauté. Les clubs grecs veulent aussi s’informer, se réunir et sortir des maisons, être ensemble, enfin élever le niveau de « l’intellectualité » du village et lutter contre le vide. Le groupe français ADELE (Association de développement et d’échanges locaux et européens) en Isère, réunit des femmes qui développent des pratiques alternatives (accueil à la ferme, agriculture biologique, vente directe de produits…). Le groupe leur permet des solidarités face au modèle productiviste développé par l’ensemble des agriculteurs de leur région. Elles se disent très attachées au lieu, partager le même amour du pays, qu’elles veulent faire vivre et pas seulement se contenter de l’empêcher de mourir : « On veut valoriser le pays », « on veut un espace rural vivant » .
[20] GRIDEQ, Développement régional, Problématique et programmation de recherche du GRIDEQ, université du Québec à Rimouski, Canada, 1993, p. 31.

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